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Le caillou et la chaussure
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Le caillou et la chaussure
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7 août 2009

Montée dans la gorge Ichke Tor

C'est l'avant-dernier jour du trek, une grosse journée en perspective, et nous commençons de bon matin, sous le soleil. Nous quittons une famille dont la femme fut avocate à Bichkek avant de se retrouver bergère ! Son mari était conducteur de camion, et ils ont choisi (mais ont-ils vraiment choisi ?) d'élever les troupeaux. n'oublions pas qu'ici, le dernier de la famille doit rester avec ses parents, et faire ce que les parents ont choisi pour lui ; et la femme est obligée d'obéir à son beau-père. Lequel beau-père est venu justement rendre visite  à l'improviste lorsque nous y étions, et fut à l'origine de la scène de ménage qui a eu lieu la nuit, dans la tente. Pas si simple...

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Nous devons franchir un col à 3650 mètres (soit 900 mètres de dénivelée) et redescendre environ 1200m vers Jyluu Suu, réputé pour ses sources chaudes. Ce qui est louche, c'est que nous devons changer de horseman à mi-chemin, nous explique Zak. Nous commençons à grimper ; c'est marrant, ce n'est pas la direction du col où nous allons, mais un guide sert à guider, n'est-ce-pas ? Pause : Zak nous explique qu'il nous a fait faire un détour de 300m de dénivelée pour nous montrer ces montagnes-ci, qu'on ne verrait pas de l'autre côté. Avec Alexis, on se regarde, il ne va pas bien ou quoi ! Il aurait pu prévenir avant !

On repart donc vers nos 900m de dénivelée restants, le soleil reste avec nous toute la journée, c'est chouette, c'est inédit depuis le début du trek. Après 5h de montée, arrivés au col, le cheval s'arrête et dépose nos affaires. Zak nous explique que maintenant, on doit effectuer la descente en portant tout nous-mêmes. Le problème, c'est qu'on avait pas prévu ça : on a toutes nos affaires pour presque un mois, sans optimisation de portage, et ça pèse lourd. On commence à se fâcher un peu, mais on a pas trop le choix. De l'autre côté du col le terrain est marécageux à cause de la fonte récente de la neige, et le cheval ne peut pas passer. Bon, on renâcle, on y va, combien de temps de descente demande-t-on ? 1h30, nous dit Zak. Bon, ça ne va pas nous tuer non plus.

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Il devient rapidement évident à la vue du paysage que rien ne se profile à 1 h d'ici. Ni même à 2h. Heureusement que nous sommes partis avec des barres énergétiques et que nous faisons régulièrement le plein d'eau. En réalité, il nous faudra plus de 4h pour la descente.  Levés à 6h30, partis à 8h, nous n'arriverons qu'à 17h. Au détour du chemin, nous croisons les 1ers randonneurs depuis le début : il s'agit de 3 Russes, qui ont posé un camp de base dans les alpages et partent presque tous les jours faire des sommets dans les 4000m-5000m voisins. Ces crazy Russians, comme ils s'appellent eux-mêmes, ont l'air d'avoir l'habitude de ce genre d'expéditions, et améliorent leur ordinaire grâce au troc avec les bergers locaux : un paquet de cigarette contre un morceau de mouton fraîchement égorgés. Débrouillards et fins cuistots !

Sur la descente, nous interrogeons Zak sur la journée du lendemain qui prévoit de passer un col à plus de 4000 mètres, le Ton Pass : 3h de montée dit le topo, mais j'ai du mal à croire 1200m de dénivelée jusqu'à 4000 m en 3h, compte-tenu du chemin marécageux et de la grande distance. De plus, il y a ensuite 2000m de descente, en portant les gros sacs à dos. Nous lui demandons s'il l'a déjà fait cette année ; non,  la seule fois cette année où il est passé par ici, il  avait pris une voiture pour redescendre à partir de la piste de Jyluu Suu, à cause du mauvais temps. Le col est-il franchissable ? La question se posait, car a priori, il y avait eu beaucoup plus de neige qu'à l'ordinaire cette année. "Mais oui, aucun problème, je connais l'endroit." Autre news : nous devons faire toute l'étape du lendemain en portant les sacs, sauf si Zac trouvait un cheval pour les porter à la montée. Il y a beaucoup de distance de l'autre côté du col d'après ce que nous comprenons, mais Zak refuse de s'avancer sur un chiffre. A priori, l'étape est plus difficile que celle d'aujourd'hui , où nous avons pourtant déjà marché 9h sans interruption.
Nous doutons beaucoup de la faisabilité de l'étape ; et surtout ne voulons pas arriver complètement exténués à Issyk Kul, à demi morts, car nous avons prévu d'autres treks après.  Nous lui faisons part de nos doutes ; et là, surprise : "pas de problème pour les sacs, nous dit Zak, une fois au col, vous pourrez les jeter dans la pente, comme ça vous ne les porterez pas à la descente."

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Bon sang, bien sûr, que n'y avons nous pas pensé plus tôt ! Le pauvre Zak vient de se décrédibiliser complètement ; ce qui confirme notre scepticisme, et nous décidons de ne pas faire cette étape. Nous n'avons pas envie de nous retrouver à 4000m avec un gamin qui ne connaît rien à la montagne. Il tente fermement de nous en dissuader. Alexis passe la moitié de la descente à lui expliquer les règles de bons sens à suivre lorsqu'on emmène des gens en haute montagne si on veut éviter des accidents (du genre : le temps d'une course n'est pas celui de la montée uniquement, mais aussi celui de la descente !). Bon, de toute façon, on a bien compris que ce qui l'inquiétait c'est de ne pas être payé totalement si on ne finissait pas le trek ; je le rassure, c'est nous qui avons pris la décision, on lui fera une petite lettre s'il le faut, on paiera la voiture pour redescendre,...

L'avenir nous confirmera que nous avons pris la bonne décision et même que les choses auraient été pires que ce que nous imaginions si nous avions décidé de franchir le Ton Pass. En effet, 2 semaines plus tard, alors que nous discutions avec un autre guide de l'itinéraire de ce premier trek, celui-ci nous a expliqué être monté au niveau de ce col une semaine avant : "Personne n'a franchi le col cette année, nous dira-t-il. La neige n'a pas fondu et s'est transformée intégralement en glace vive. Sans matériel d'alpinisme, le passage est impossible."

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Ce que Zak ne nous a pas non plus dit, c'est que la route, en fait, est extrêmement peu passante. A notre arrivée à 17h, aucune voiture. Nous partons aux sources chaudes, naturelles, beaucoup trop chaudes pour qu'on rentre dedans d'ailleurs. Nous nous arrosons donc avec les bidons, sans nous jeter à la rivière  glacée après, comme le veut l'usage (on n'a fait ça qu'à moitié, j'assume) ; et c'est très relaxant. Il faut dire qu'on n'a pas pris de douche depuis, euh, le début du trek ! Zak renâcle à chercher une voiture, il veut absolument qu'on passe ce col. Bref, nous décidons de prendre les choses en main : nous devons être à Karakol dans 2 jours et n'avons pas l'intention de rester coincés dans cette jolie vallée perdue.

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